Dernièrement, je me suis acheté un « home-trainer » pour faire de la bicyclette en restant dans l'appartement. Je me le suis surtout acheté pour reprendre un rythme de vie plus sain pour le corps. Et par la même occasion, j'aimerais qu'il m'aide à endiguer ces flots contre lesquels j’essaie ne pas boire la tasse ! Car hélas, je suis « méchamment » retombé dans l'engrenage de cette supercherie d'alcool.
Ce dont je n'arrive toujours pas à détecter, c'est l'instant où il me faudrait dire « stop ». L'absorption du premier verre engendre la succession des suivants. L'Homme se croit toujours plus malin que ses congénères face à n'importe quelle dépendance. Mais les deux seules manières d'en aborder sa condition d’assujettissement, demeurent invariablement l'affrontement ou la soumission.
En l’occurrence, d'un côté se trouve un fossé à franchir avant que je ne sois réduit à un état d'esclavage avéré. Mais pour autant, de l'autre, ce n'est pas forcément une simple « rigole » à enjamber pour recouvrer mon libre-arbitre.
Mardi 03 décembre 2013, A.S.D., 17h05.
Après avoir fait de l'espagnol avec un quatrième et de la physique avec un autre, il me faut rependre des exercices de mathématiques avec deux demoiselles de cinquième. Le premier objet que les élèves sortent de leur sac quand ils doivent travailler cette matière, ce n’est ni leur cahier, ni leur livre mais bien leur calculatrice ! Et les premiers mots qui sortent de ma bouche leur ordonnent de la ranger. Et ce, quelque-soit la classe ou encore le niveau du collégien.
Alors la première chose que je leur montre, c'est la décomposition d'un nombre en un produit de plusieurs « nombres premiers »
Mais n'ayant jamais eu de titre honorifique pour me substituer à un professeur, je ne montre cette méthode qu’aux élèves qui le souhaitent. Elle permet de déterminer tous les diviseurs d'un nombre en éléments simples, à la condition de connaître ses tables de multiplications « sur le bout des doigts » ! Et c'est là qu'un autre problème se pose !
Vendredi 06 décembre 2013, fin de l'A.S.D., 18h15.
J'ai trouvé qu'ils avaient beaucoup de devoirs à faire pour une fois ! Les profs sont sans doute passés à la vitesse supérieure !
Mardi 10 décembre 2013, fin de l'A.S.D., 18h05.
Sans qu'il n'y ait encore de véritable échange entre nous, je me suis aperçu que Sabine ne vient à l'association qu'une seule fois dans la semaine. Ce soir et même demain matin, je vais être comme un gamin qui ne veut plus « se débarbouiller » ! De peur de faire disparaître la fragrance qu'elle a laissée sur la peau de mes joues en me saluant.
Une physionomie touchante, brune, de longs cheveux bruns et ondulés, un visage fin de type méditerranéen, des narines collées qui en accroissent la finesse comme si son nez avait été refait. Mais surtout, Sabine a des yeux sombres dans lesquels l'espace tout entier semblerait graviter. Et mes yeux, à moi, semblent littéralement happés par de tels trous noirs.
✲✲✲
Les fêtes de Noël et du nouvel an ont quelque chose de vraiment épuisant. Quatre repas à manger et à boire comme s'il y en avait le double ! Je me souviens que mon grand-père Jany avait « gastriquement » un certain mal à enchaîner les repas de ces jours-là. Pour ma part, c'est un autre fait qui va me laisser une saveur amère au travers de la gorge.
Le goût du mot « irresponsabilité » qui se marie au caractère du terme « acidité » !
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Jeudi 02 janvier 2014, appartement de Saint-André, 11h15.
Ma mère m'ayant donné de copieux et savoureux restes de la veille, je reviens du supermarché où je n'y ai acheté que des fruits et de la bière. Les deux bouteilles de Whisky qui m'ont été offertes à Noël, sont déjà vides ! Alors je varie les plaisirs ! Mais je diversifie les moyens pour échapper à ce quotidien monotone. Je dois avouer qu'avec l'arrivée de la jolie jeune femme, les mardis à l'aide aux devoirs, il me plairait beaucoup d'échanger avec elle. Mais je ne sais pas comment m'y prendre. Je redoute de lui apparaître tel que je me vois : sceptique et hésitant ou encore rigide et plus individualiste que je ne le suis réellement !
19h15.
Dans le paquet de 12 bières à 9°, il n'en reste déjà plus que quatre. Alors l'heure n'est plus au calcul de mon taux d'alcoolémie tellement, je crois qu’il affolerait les chiffres de l’éthylomètre ! J’entre dans la cuisine pour y prendre une autre bière. À hauteur du tabouret, avec le pied droit, je marche sur l'arrière du chausson gauche. Et là, je perds l'équilibre. L'élan m'entraine en avant ! Je m’effondre la tête contre la vitre du four tordant au passage ma paire de lunettes. Péniblement, je me relève, réajuste la monture de celles-ci et ouvre une nouvelle fois la porte du réfrigérateur. Je repars m'installer sur le canapé pour siroter ce breuvage. Mais je ne m'aperçois de rien !
Quatre heures plus tard, j'ouvre un oeil, puis l'autre, mais c'est le « brouillard » le plus complet ! Les images sur le téléviseur défilent toujours et on dirait que les personnes sont muettes. La bouche pâteuse et le teint livide, je me lève du canapé et prends la direction des toilettes. Puis je rejoins la chambre.
Vendredi 03 janvier 2014, 8h21.
Je me réveille, tapote avec la main gauche sur la table de nuit pour y prendre mes lunettes. Mais elle ne s'y trouve pas !
8h21 et 04 secondes.
J'allume la lumière et bondis hors du lit, tel un félin se jetant sur sa proie. À tâtons, je cherche sur le sol à proximité du petit meuble de chevet.
Rien !
Désemparé, je réfléchis ! Mais aucun souvenir ne réapparait !
Alors, je prends la paire de lunettes de soleil qui se trouve dans un étui gris et la mets sur mon nez pour partir à la recherche de celles de vue ! Je sors à toute vitesse de la chambre et j'allume l’halogène pour poursuivre cette recherche ! Je ne me sens pas bien du tout car je n'ai plus aucun souvenir de ce que j'ai fait hier soir. Je jette un oeil près du téléviseur car il m'est déjà arrivé de les retrouver sur le sol à cet endroit. Désemparé, je pivote sur moi-même d'un demi-tour et fais face à la petite table basse sur laquelle se trouvent méticuleusement posées une multitude de canettes de bières vides.
Et là, la focale de mon regard se porte au milieu de cet amas de bouteilles. A travers le prisme des verres fumés que je porte sur le nez, je vois apparaître le soleil de mon bonheur.
Elles se trouvent là !
Mais ceci n'est qu'un soulagement de courte durée !
8h50.
Ma toilette achevée, je sors de la salle de bains et me dirige vers la cuisine. Au moment où j'y entre, je découvre un petit objet gris gisant sur le sol. Je me demande alors d'où il peut bien provenir ?
Au moment où le souvenir resurgit, le mot « affolement » serait vraisemblablement dérisoire pour décrire ce que me fait subir ma cervelle.
Avachi sur le canapé, mes neurones s'efforcent de replonger dans leurs souvenirs.
Mais rien !
Pas le moindre élément ne remonte à la surface du cortex. Alors, j'aimerais encore croire à une défaillance mnésique dont le retour du rappel pourrait être encore latent.
Mais je dois admettre l'évidence : il ne me reste plus aucun souvenir de la soirée de la veille.
9h.
Apathique et totalement désemparé, je perçois avec effroi les abîmes de ce « blackout » qui me reste du vide sidéral de la soirée d'hier. Car ces souvenirs appartiennent à la gigantesque nébuleuse de mon espace neuronal. Depuis l'année 2000, j'apprends à vivre avec de tels inconvénients mnésiques. Malgré tout, je sais pertinemment et que quelques souvenirs demeurent en latence dans les arcanes de ma mémoire. Le tout, c'est de parvenir à en faire resurgir l'authentique rappel.
Mais là, je crois que c'est « mission impossible » !
Quelques secondes après.
« Mais ce n'est pas vrai François... Tu en mérites des baffes ! »
Les souvenirs me reviennent enfin. Hier soir et alors que je repartais chercher une bière dans le réfrigérateur, mon pied droit a marché sur le chausson gauche et j'ai perdu l'équilibre. Je me suis affalé sur le sol sans pouvoir me rattraper à quoi que ce soit.
Et ce petit objet gris, c'est le sélecteur des modes de cuisson du four !
« J'ai « pété » le four ! Oh nonnnnnn ! »
Une telle exclamation de la part de ma conscience devrait presser l'inconscient à y répondre. « Peine perdue », car il n'y a rien de plus trompeur que la communication, ou plutôt l'incommunicabilité, entre ces deuxphénomènes psychiques. Et ce n'est pas parce que l'un est le décideur silencieux que l'autre doit rester un corrompu exemplaire approuvant unanimement les choix pris. « Mais, c'est joué d'avance ! Alors autant se résigner ! »
L'ultime résolution ne sera pourtant pas mise en vigueur immédiatement. Elle y sera après que mon amour-propre découvre un sentiment bien plus éperdu.
Vendredi 17 janvier 2014, A.S.D., 15h35.
À peine ai-je le temps d'arriver qu'un élève de seconde m'apostrophe :
« François, tu t'y connais en résolution d'équations-bilan ? »
J'ai envie de lui répondre que « non » mais ma bouche, comme manipulée par une main extérieure actionnant les lèvres de cette « marionnette-chaussette », finit par lui dire : « Montre-moi voir ton exercice ! »
C4H10+O2 → CO2+H2O
« Aie ! »
J'emploierais bien un juron au lieu de cette interjection mais je ne dois pas le faire ici.
La résolution que je vais proposer à ce lycéen sera fausse. Néanmoins, il va comprendre la méthode qu’il doit employer pour en résoudre d'autres, similaires. La semaine suivante lorsque je le reverrai, il me dira qu'aucun élève n'est parvenu à trouver la solution. Le professeur leur avouera qu'elle était « très dure » !
Lundi 27 janvier 2014, appartement de Saint-André, 19h30.
Samedi dernier après avoir fêté les 60 ans de mariage de Renée et Pierre à Lignières, je suis resté chez mon père pour la nuit. Le lendemain après le petit déjeuner, je me suis rendu chez mes grands-parents pour boire un café. J'en ai profité pour demander à ma grand-mère la recette des oeufs à la sauce « matelote ». Alors pour le diner, je m’en prépare, égoïstement. J'en profite pour finir la bouteille de vin rouge à laquelle il ne doit manquer que les dix ou vingt centilitres utilisés pour la recette.
C'est la première fois que je confectionne cette recette et je la réussis « admirablement ». Alors je pense que ça ne sera pas la dernière ! Pour que je me souvienne de cette performance, je la note sur l'agenda. « humm, c'est trop bon ! » Il me manque seulement des tranches de jambon fumé et de la salade frisée pour parfaire ce plat. Car pour le moment, c'est le goût du vin rouge qui prédomine avant celui des oeufs !
Mardi 28 janvier 2014, raclette à l'A.S.D., 18h45.
Après la séance d'aide aux devoirs avec les collégiens, je reviens jusqu'à l'appartement, car je ne veux pas attendre pendant trois quart d'heure...
Évidemment, il n'y a guère de vérité dans cette pensée. En fait, au cours de la séance de cet après-midi, j'ai vu Sabine et je lui ai demandé si elle ne verrait pas d'inconvénient à passer la soirée à mes côtés. Elle ne s'y est pas opposée !
Je suis assez discret, voire légèrement timide, mais le verre d'apéritif me met à l'aise dès la première gorgée, ce qui me permet de moins avoir à réfléchir avant de parler. Enfin, c'est ce à quoi ma cervelle se convainc. Pourtant, il y a d'autres situations qui m'ont rendues plus embarrassé que celle-ci. J'aimerais tellement que Sabine se fasse une bonne opinion de moi.
Nous nous asseyons à l'opposé de la porte d'entrée de la pièce.
C’est une manière comme une autre pour ne pas être d'astreinte au moindre service qui soit. Pour ce repas, et contrairement à l’année précédente, la trésorerie de l'association ne nous permet pas de le faire au restaurant. Alors c'est une soirée « raclette » que nous partageons.
Je fais mon possible pour ne pas monopoliser la parole et essaie d'écouter mon interlocutrice. Mais c'est très délicat. Alors, je fais ce, pour lequel auparavant, j'avais certains dons. Je m'appuie sur les particularités de chacun des convives pour mettre en confiance ma voisine de table. Mais surtout, je ne bois que peu d'alcool afin de conserver mes capacités de jugement et pour utiliser mes armes préférées : l'humour et l’autodérision. Car la seule personne dont il m’est possible de me moquer, sans crainte de représailles, c'est encore de moi-même.
Si je suis attentif à des points qui n'ont plus lieu d'être, c'est pour éviter de les reproduire comme par le passé. À croire que je ne me sens pas encore maitre du présent, sans devoir faire systématiquement référence à un temps révolu.
« En pensant au temps, j'ai l'impression que ce soir, les aiguilles de la montre tournent plus vite qu'à l’accoutumée ! »
22h30.
Au moment où Sabine nous quitte, je suis tiraillé entre « agir trop vite » ou « laisser le temps faire les choses » !
Nous avons bien rigolé, mais je n'ai pas abordé le sujet au cours du repas. Si bien que j'ignore tout de son statut personnel. Mais je ne me fais guère d'illusion à ce propos. Une personne d'un tel charisme ne peut être célibataire. Alors, elle met son manteau, me salue et sort. Puis, elle prend une cigarette, l'allume et se dirige vers sa voiture. Je ne la quitte pas des yeux, en pensant malgré tout aux « happy end » des films américains au cas où elle se retournerait.
Mais avant d'entrevoir une « fin heureuse », encore faudrait-il peut-être qu'au préalable soit préfacé un canevas tangiblement interprétable ? Et pas seulement quelques idées qui se mettent en place d'elles même !
Mercredi 29 janvier 2014, devant l'ordinateur, 10h50.
Ayant précédemment récupéré l'adresse électronique de tous les bénévoles, y compris celle de Sabine, je prépare deux messages distincts : un pour l'ensemble de ceux-ci et un autre uniquement pour elle. Je les enverrai après le déjeuner.
Le premier, je l'intitule « Formidable(s) ».
Bonjour à toutes et à tous,
Formidable(s), cet adjectif même s'il revient souvent en ce moment sur les ondes de radio, il ne saurait être exclusivement réservé à un titre chanté par Stromaé. Car à l'Accompagnement Scolaire Dryat, et à ma connaissance, il n'y a encore ni chanteur connu, ni même reconnu ! (Peut-être qu'un jour cela viendra pour certains).
Mais sans de formidables personnes comme vous, et à fortiori les enfants qu'y participent, je vivoterais ! Non pas au sens pécuniaire du terme, mais à un qui demeurerait social, relationnel et intellectuel.
Alors, je n'aurai qu'un simple mot à vous dire : merci à vous d'avoir franchi le seuil de la porte de ma vie.
Amicalement et fidèlement,
François
J'intitule celui que j'envoie à Sabine « C.R.D.S. » !
Ce n'est pas un nouvel impôt que je lui propose, mais un simple Compte-Rendu De Soirée !
Tardivement, elle y répondra le soir même. Alors pour une fois la fatigue qui habituellement touche avec précocité ma cervelle, se trouve mise en concurrence avec un adversaire bien plus sérieux : le numéro de son portable !
23h51.
J'envoie un texto à Sabine. Cinq minutes après, elle y répond en demandant « qui est-ce ? » Car il est évidemment, je n'ai pas eu le courage d'y faire figurer mon prénom ou quoique ce soit d'autre. Alors je lui en envoie un deuxième mentionnant ce renseignement. Cinq minutes après, je reçois deux phrases en anglais. Cette réponse ainsi formulée est aussi lâche de sa part qu'a été de la mienne le fait de ne pas lui avoir dévoilé mon identité dès le premier message ! Car dire que j'en comprends les mots, ça serait forcément mentir ! Pourtant à cette heure-là, l'alcool des bières est déjà digéré depuis longtemps.
Jeudi 30 janvier 2014, appartement de Saint-André, 15h28.
Avant de partir à l'aide aux devoirs, je reçois un message de Sabine me disant qu'elle finit son travail vers 19h30. Elle a la possibilité de me téléphoner une fois qu'elle aura terminé. Ou alors, elle peut venir me voir. Je lui réponds qu'elle fasse comme elle l'entend. Je ne l'oblige à rien !
Mais à mon humble avis, son intuition féminine lui a déjà fait comprendre ce qui se trame au plus profond de mon ciboulot !
Mais d'emblée, j'en nie cette hypothèse.
18h45.
Je pose le téléphone portable sur la table de la cuisine et je m'assois sur la chaise. J'ai déjà les jambes qui commencent à trembler comme des feuilles d'un arbre au cours d'un mois d'octobre venteux. Alors, j'ouvre la porte du frigidaire et prends une bière.
19h25.
Le téléphone vibre. Un message est arrivé. C'est elle, qui me prévient qu'elle ne quittera pas son travail comme elle me l'a indiqué. Elle m’appellera juste avant pour me prévenir. Elle ne pense pas pouvoir sortir de son bureau avant 20h15-20h30.
20h28.
Après lui avoir laissé plusieurs messages sur son répondeur, j'arrive à la joindre. Elle me dit qu'elle se trouve à un feu tricolore proche du lieu où j'habite. Je lui indique alors de prendre la première rue sur sa gauche avant un panneau lumineux vert et rouge et je pars à pied à sa rencontre.
Quelques minutes plus tard.
Je commence à descendre en courant la rue qui fait face au portail de la résidence : c'est par celle-ci qu'elle devrait théoriquement arriver. Soudain, à mi-chemin, je vois sa voiture aller tout droit à l'intersection. J'essaie à nouveau de lui téléphoner : elle décroche et nous nous retrouvons à proximité du commerce dont l'enseigne clignote.
Je monte dans sa voiture. Immédiatement, je remarque la petite lumière qui brille sur le tableau de bord. Alors elle me demande si je ne serais pas en possession d'un ou deux litres d'essence pour la dépanner, car le voyant de la jauge est allumé depuis ce matin. Malheureusement je n’en possède pas.
Sabine stationne son véhicule dans la rue descendante par laquelle je suis arrivé en courant.
Nous remontons jusqu'à l'appartement pour y boire un café : il est approximativement 21h quand je pose les deux tasses sur la table du salon. Elle me révèle enfin la raison qui l'a poussée à venir aussi vite. Elle a compris depuis le repas à l'association ce qui m'anime. Et donc elle est venue pour clarifier cet élément qui excite mes pensées depuis que j'ai fait sa connaissance. Ainsi elle souhaite lever l’ambiguïté, pour que je ne souffre pas en interprétant ses propos comme je souhaiterais les entendre !
Je serais plutôt tenter de croire que c'est pour que je ne me fasse pas « des idées fixes », comme ma cervelle est coutumière de s'en créer d'elle-même. Sabine ne souhaite pas se rapprocher de moi autrement que par amitié, car depuis ce diner, où j'ai beaucoup parlé de moi et de ce qui m'est arrivé, elle a la sensation que je suis toujours focalisé sur ces deux éléments. Un peu comme si je ne pouvais pas me détacher de mon passé... Ou plutôt de cet ancien « moi » !
J'ai presque envie de lui dire que le mal est déjà fait, mais rien ne sort de ma bouche. Alors, elle m'avoue ce que mon ego refuse d'entendre. Et pour ma fierté de mâle « primaire », ses mots sont très durs à accepter. Je me sens terriblement frustré. Alors, je vais à l'encontre de cette sensation qui a bousculé mon existence. Je la nie en lui disant qu'une personne « monopolise » encore mon esprit. Peut-être qu'à la place de ce dernier verbe, il aurait été préférable d'employer le terme « hante ». Car ce n'est plus une personne qui y squatte ; c'est seulement le drap terni par le temps, du fantôme de celle-ci !
Suspendu par quelques secondes d'une atroce gène, l'orgueil inconscient de mâle primaire qui m'anime, a une réaction instantanée. Il refuse tout de go. Alors je lui dis que je ne souhaite pas apprendre à la connaître ! C'est paradoxal parce qu'au contraire, j'en crève d'envie !
Enfin…la conscience qui loge à côté de l'ego, en meurt d'envie !
Mais pour le « moi », c'est absurde d'avoir un tel raisonnement, car rien ne peut contrer l'individualisme de son entité !
Pourtant la première personne, à qui ce « moi » excluant les autres, ment c'est à moi-même ! Il se persuade qu'un spectre du passé monopolise encore son esprit, alors que c'est complètement faux !
Alors, dans un futur proche, ce « moi » trouvera le moyen de me faire souffrir en se flagellant lui-même !
21h30.
Je raccompagne Sabine jusqu'à sa voiture puis je reviens à l'appartement. Mais à peine ai-je le temps d'ouvrir la porte d'entrée que j'entends la sonnerie du portable. Il se trouve dans la chambre. Je m'empresse d'y accéder mais je n'arrive pas assez rapidement. Je vois que la personne qui a essayé de me joindre n'est autre que celle qui sort de la résidence. Alors, je la rappelle. Elle me dit que sa voiture ne démarre pas. Que c'est la panne sèche !
Alors, je sors la mienne et remmène Sabine jusqu'à son domicile.
Vendredi 31 janvier 2014, appartement de Saint-André, 13h23.
Je reçois un message de Sabine me disant qu'elle a réglé son problème et qu'elle me remercie. Je ne comprends pas immédiatement les raisons de tels mots ! Alors j'engage ma cervelle « à se mettre au travail » comme le disent certains politiciens. Similairement à la concrétisation de certaines de leurs actions, son ardeur se fait également attendre. Soudain, c'est l'éclair de génie qui en illumine la révélation !
15h25.
En descendant la rue pour me rendre jusqu'aux locaux de l'association, je me rends compte que la voiture de Sabine ne s'y trouve plus ; détail que je n'ai pas remarqué une seule seconde en me rendant jusqu'à la boulangerie ce matin.
18h10.
De retour à l'appartement, un constat éclair se fait lors de l'ouverture des portes du réfrigérateur et du buffet : je ne possède plus « une goutte » à boire ! Alors, je sors la voiture et pars en direction du supermarché.
19h35.
Après avoir bu quelques bières, je retrouve la faculté d'écrire sans passer par trop de remaniements de style. Alors je prépare un brouillon, écrit à la main, que je lui enverrai ultérieurement. Ce brouillon ne me sert qu'à une seule chose : garder des propos cohérents dans les courriers électroniques que j'envoie tardivement. Mais surtout, il m'est indispensable pour former des phrases intelligibles qui ne le seraient pas forcément si je les écrivais après avoir bu ! Ce courrier électronique, je le lui enverrai deux heures et demie plus tard, juste avant d'aller au lit. Au cours de la nuit, Sabine va y répondre en me réaffirmant la nature de sa position. Mais pour le coup, elle devra faire face à une complexe résistance : ma rigidité cognitive est au summum de son inflexibilité.
Samedi 01 février 2014, appartement de Saint-André, 5h30.
Ça recommence !
C'est la troisième fois que je me réveille cette nuit. Et c'est la troisième que je suis convaincu d'avoir rêvé. C'est également la troisième fois que mon corps réagit en me faisant l'annonce d'un branle-bas de combat général. Le garde-à-vous est de rigueur !
Mais, c'est surtout l'authentique première fois que je ressens enfin la vie se répandre à nouveau en moi
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